France Gall, de son vrai nom Isabelle Gall, est une chanteuse française des années 60.Elle enregistre sa première chanson, Ne soit pas si bête, à 16 ans, en 1963. Son deuxième titre, n'écoute pas les idoles, signé par Gainsbourg, est un succès immédiat.Elle enregistre ensuite Jazz à gogo et Sacré Charlemagne. En 1965, elle remporte le concours Eurovision de la chanson grâce au titre Poupée de cire Poupée de son.Après une période de déclin, sa rencontre avec Michel Berger va relancer sa carrière. Ils signent ensemble le succès de l'été 76: Ca balance pas mal à Paris. En 1979, elle participe au spectacle Starmania. La mort de Berger en 1992 mettra un terme à sa carrière.
Biographie
Son père est Robert Gall (1918-1990), ancien élève du conservatoire, chanteur et auteur, entre autres, de La Mamma pour Charles Aznavour. Sa mère, Cécile Berthier, est la fille de Paul Berthier (1884-1953), cofondateur de la Manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. Elle est la nièce de Jacques Berthier (1923-1994), compositeur et organiste, cousine du guitariste Denys Lable et de Vincent Berthier de Lioncourt (fils de Jacques), fondateur, en 1987, du Centre de musique baroque de Versailles (CMBV).2 Elle voit défiler chez ses parents de nombreux artistes comme Hugues Aufray, Marie Laforêt ou Claude Nougaro. Enfant, elle accompagne parfois son père dans les coulisses de l'Olympia. Quelquefois, il lui fit même manquer l'école pour l'emmener voir Piaf, Bécaud ou Aznavour en concert à Bruxelles. Elle commence à faire du piano à 5 ans puis gratte de la guitare vers onze ans. Vers treize-quatorze ans, elle fait de la musique avec ses deux frères, les jumeaux Patrice et Philippe : ils avaient fondé un petit orchestre et jouaient l'été sur les plages et l'hiver à Paris. La petite Isabelle est surnommée « Babou » par sa famille, surnom qu’elle porte encore aujourd’hui. Son père, devant son caractère déjà affirmé, lui octroie le titre de « petit caporal. » Ses violons d’Ingres sont la peinture et les jeux de société.Les débuts Pendant les vacances de Pâques 1963, son père l'incite à enregistrer quelques chansons et remet les bandes à un éditeur musical, Denis Bourgeois. Le 11 juillet suivant, l'éditeur lui fait passer une audition au Théâtre des Champs-Élysées puis tout s'enchaîne très vite. Comme France est mineure, c'est son père qui signe le contrat chez Philips où Denis Bourgeois est déjà directeur artistique de Serge Gainsbourg. Bourgeois devient donc celui de France et elle enregistre quatre titres avec l'arrangeur Alain Goraguer, jazzman et compositeur qui a notamment travaillé avec Boris Vian. Première contrainte de sa direction artistique : pour ne pas interférer avec Isabelle Aubret, alors grande vedette, elle doit abandonner à regret son prénom d’Isabelle. Elle devient « France » à la scène : « J’ai toujours été contre « France », je trouvais que c’était trop dur.
Plus haut que moi, plus haut, plus oh ! : Suis ta musique où elle va… En 1996, pour son album France, lorsqu’elle reprend et réorchestre sa chanson Plus haut parue initialement en 1980 (album Paris, France), Gall ne cesse de s’étonner de ce texte écrit par son époux et qui résonne comme une prophétie. Peu importe, c’est sa profession de foi à elle, son inaltérable dévotion à son amoureux disparu qui veillerait sur elle de là-haut et la guiderait :Plus haut,Celui que j'aime vit dans un mondePlus beau,Bien au-dessus du niveau des mots,Dans un univers au reposEt si je lui dis oui,Il m'emmène avec lui…Elle ne peut s’empêcher de se référer à une autre chanson, toujours prophétique selon elle, un titre qu’elle enregistra en 1973 juste avant sa rencontre décisive avec Berger et dont le texte est dû à deux grandes pointures de la chanson française : Yves Dessca et Jean-Michel Rivat. Ils sont, pour la circonstance, les adaptateurs de cette bossa nova issue de la plume de deux icônes de la chanson brésilienne, le compositeur Toquinho et le poète Vinicius de Moraes, dont l’original Maria vai com as outras (Maria va avec les autres) devient en français Plus haut que moi :Toi qui fais des bonds plus haut que moi,Toi qui sais chanter, chanter plus haut que moi,Toi que la raison n'arrête pas,Toi qui sais rêver, emporte-moi,Saute les murs gris, emporte-moiDans ton horizon, ta vie, emporte-moi,Toi qui vois là-bas plus loin que moiEt plus haut que moi…L’obsédante image du prince venu de là-haut et qui l’emmènera encore plus haut est mise en scène pour la première fois par Robert Fortune pour son spectacle Tout pour la musique donné au Palais des Sports de Paris en 1982. Au milieu de la fameuse chanson Plus haut, un clown blanc surgit là-haut, en équilibre précaire sur un fil, puis descend au final pour emporter dans ses bras une France tombée en léthargie afin de la soustraire à la pesanteur et aux vicissitudes de ce bas monde…Elle associe cette vision aux conseils que le « producteur Berger » donne à l’aspirante « chanteuse Émilie » dans le conte musical télévisé Émilie ou La Petite Sirène 76 :Chante-leur les mots pour émouvoir,Fais-leur connaître ton pouvoir,Et de l’est jusqu’à l’ouestEt du nord jusqu’au sudSuis ta musique où elle va…Au point qu’elle place cette chanson interprétée par Berger en prologue de son dernier concert public à l’Olympia en 1996, attestant ainsi de son inébranlable fidélité à son auteur. Elle livre sa version personnelle de Plus haut accompagnée par « les musiciens dont elle rêvait »21 (sic). Auparavant, elle a souhaité que Godard, l’homme à la caméra « qui rend les femmes belles » (sic), en réalise le clip. Ils se rencontrent, se comprennent et livrent le remarquable Plus oh ! où des « Oh ! » émerveillés surgissent de la bouche en cœur de la chanteuse succombant devant les images récurrentes du héros s’enfuyant avec sa dulcinée dans ses bras vers un paradis blanc, un ailleurs intangible, d’indicibles hauteurs…Peu encline au culte de la personnalité, France Gall refusera toute création de fan-club et n’encouragera pas l’édition de biographies : « Je n'écrirai jamais d'autobiographie. Mon livre, c'était cet autoportrait que j'ai voulu le plus sincère possible. Les chanteurs ne trichent pas. Chanter, ce n'est pas simplement aller chercher de l'air et le ressortir en mots et en notes. C'est donner, se livrer, s'exposer. »22 Elle précisera : « Qu’il reste quelque chose de moi m’indiffère. Je ne suis pas comme ces personnalités politiques qui éprouvent le besoin de faire bâtir un monument afin de laisser une trace tangible de leur passage : moi, je ne construis que ma vie… »23Énigmes Claude Dejacques, producteur chez Philips en 1966, conçoit de sortir, pour le 1er avril de la même année, un album-gag dans lequel les plus grands artistes maison échangent leurs tubes respectifs. Ainsi, France Gall reprend Jolie môme, un grand succès de Juliette Gréco en 1961 tandis qu'Anne Sylvestre reprend L'Amérique, un tube de France Gall en 1965. Comme beaucoup d'idées originales, l'album poisson d'avril 1966 restera dans les placards de Philips, on ignore pour quelles raisons.24En 2003, Universal sort le CD Volume N° 5 (S.0.S. mesdemoiselles) de son anthologie compilée Pop à Paris. C'est avec surprise qu'on découvre et entend France Gall chanter un titre dit « inédit » écrit par Serge Gainsbourg en 1967, Bloody Jack, avec les mêmes musique et arrangements que ceux de sa chanson gainsbourgienne Teenie Weenie Boppie sortie la même année. Le texte de ce Bloody Jack est identique à celui de la chanson du même titre que Gainsbourg interprétera en 1968 sur une musique totalement différente. Pour épaissir le mystère, Zizi Jeanmaire reprend, toujours en 1968, la version de Gainsbourg avec un texte légèrement modifié.Une inspiratrice
Ruptures Ses ruptures sentimentales avec ses deux fiancés-chanteurs successifs Claude François et Julien Clerc nous valent, de la part des abandonnés, des chansons cicatricielles passées à la postérité :1967 : Claude François, Comme d'habitude (paroles de Claude François et Gilles Thibaut, musique de Claude François et Jacques Revaux) :Toi, tu seras sortie,Pas encore rentrée, comme d'habitude,Tout seul, j'irai me coucherDans ce grand lit froid, comme d'habitude,Mes larmes, je les cacheraiComme d'habitude.— Commentaire de France : « Le monstre que décrit la chanson, ce n'était pas moi ! »251975 : Julien Clerc (album noir N°7), Souffrir par toi n’est pas souffrir (paroles d’Étienne Roda-Gil et musique de Julien Clerc). Pour exacerber sa prière pour qu’elle revienne, Julien Clerc demande la contribution musicale de la famille Gall. Il confie l’orchestration de cette chanson à Philippe Gall, l’un des frères de France, tandis qu’il met Denys Lable, l’un de ses cousins, à la guitare :Moi qui entassais des souvenirs par paresse,Ce sont tes vieux chandails que je caresse,Maintenant, comme avant,Doucement, restons-en au présentPour la vie, aujourd'hui, reste ici…— Peine perdue, France et Michel Berger sont déjà en amour…Union Michel Berger, en revanche, ne lui délivrera jamais que de lumineuses déclarations d’amour :1974 : La Déclaration, ou auto-déclaration par interprète interposée ! (Paroles et musique de Michel Berger) :Quand je suis seul(e) et que je peux rêver,Je rêve que je suis dans tes bras,Je rêve que je te fais tout basUne déclaration, ma déclaration.1983 : Lumière du jour (paroles et musique de Michel Berger). Berger lui dit « Celle-là, je l’ai écrite pour toi », fait inhabituel pour celui qui considérait qu’écrire sur le bonheur n’était pas intéressant :Tu es ma lumière du jour,Tu es mon ultime recoursEt si le poids se fait trop lourd,J'appelle ton nom à mon secours,Lumière du jour…— France fera, plus tard, cette réflexion : « Enfin, au bout de sept ans de mariage et après deux enfants… »Témoignages
Serge Gainsbourg : « Je suis donc resté attaché à France Gall puisqu'elle est mignonne. Elle est très décriée, mais je trouve que c’est assez dégueulasse parce qu’elle fait un métier difficile, elle est très jeune, elle gagne sa vie, elle est courageuse. Elle a beaucoup de fraîcheur et de fraîcheur d’âme, ce qui est rare. »26 — « Si vous savez ouvrir cette huître, vous trouverez la perle… Sinon, vous tomberez sur une moule. »27Charles Aznavour : « Elle durera parce qu'elle n'est pas grande. Les petits compensent par un travail fou. »28Zouzou : « Je connais France Gall, surnommée Babou, depuis 1965, mais nous ne sommes vraiment proches que depuis les années 70. Nous avons fait des voyages à Londres pour meubler la maison de campagne de Julien Clerc, avec qui elle vivait, et a ensuite habité chez moi, avant d'emménager avec Michel Berger. Je les aime beaucoup tous les deux. France est l'une des personnes que je connais qui sait le mieux recevoir. D'abord, c'est une cuisinère hors pair. Et surtout, elle peut organiser des dîners avec des gens qui ne devraient jamais s'entendre, mais elle a toujours le chic pour désamorcer les tensions. Avec elle, tout finit toujours en éclats de rire. Le rire est d'ailleurs la pierre angulaire de notre relation. Nous passons des heures à nous marrer. Quand je joue au théâtre, France et Michel viennent me voir, et chaque fois, je sais qu'elle est dans la salle rien qu'en entendant son rire. »29Jacques Mercier, lors d'une émission de la RTB durant les années 1970-198030 : « Les lieux communs, je déteste. Ils se vérifient rarement. Ainsi ce bruit qui court qu'il vaut mieux ne pas mêler le travail et l'amour. Ceux et celles qui parviennent à concilier les deux, désolé, sont plus heureux que les autres ! Pour preuve, aujourd'hui je pense : Michel Berger et France Gall.France Gall avait la tête sur l'épaule de Michel Berger. Il était tard, nous avions fait une bonne émission. France avait chanté a cappella du Jean-Sébastien Bach : un grand moment ! Michel avait improvisé au piano et chanté lui-même : À moitié, à demi, pas du tout, une chanson qu'on aimait beaucoup à l'époque. Et nous parlions de la vie, du métier, du temps qui passe, de l'amour. Nous avions les mêmes passions et elles faisaient partie de notre existence. C'était sans doute un moment de bonheur partagé ! Cette tendresse de couple. Admiration non feinte de la femme pour l'homme-créateur et l'amour de l'homme pour la femme-artiste. Ils se connaissaient si bien dans leurs qualités comme dans leurs défauts. France secouait sa tête blonde et lançait :— À la maison, je ne lui obéis que lorsqu'il est au piano !Et tout se passait alors dans leur regard amoureux… »Jacques Attali : « Elle est une énigme, par sa transparence même, elle échappe à toute classification dans sa simplicité ; elle est une force par sa fragilité ; elle est à l'écoute dans sa solitude. Elle est la France, bien au-delà de son nom. »31